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Impression, chemin faisant

31 août 2020
par  Isabelle Plumhans
( Presse écrite , Le virus de l’art )

L’impressionnisme, c’est la liberté du trait. L’apparition du tube de peinture au milieu du 19ème siècle a permis cette liberté. Les artistes sortaient des ateliers pour peindre, couleurs dans la poche, au bord de l’eau ou en frontière de ville. Cette liberté évoque le dehors apaisant, comme quand on redécouvre le poster « Impression, soleil levant », après confinement, dans la cuisine de Belle-Maman. Mas derrière l’image, il y a une réalité. Parce que ces impressionnistes peignent dehors un quotidien trop difficile à vivre dedans. Aux frontières des villes, ils en auscultent les luttes, les bruits grondants. Le festival « Normandie Impressionniste », quatrième édition après 10 ans d’existence, raconte cette réalité, en tableaux de couleurs surexposées, jusqu’à mi-novembre. Il y a du vent, de l’air du large, du beau mais surtout des luttes, dedans. On vous y emmène, en trois villes-étapes et quelques détours.

ETAPE 1 : ROUEN, la posée

Une cathédrale mondialement connue en son centre et des airs de bourgeoise ingénue. Rouen est une ville qui s’illumine à la belle saison : la cathédrale immortalisée par Monet se pare de lumières dès 22 heures jusqu’au 30 septembre. Un peu plus loin, le Musée des Beaux-Arts expose les collections que lui a offert François Depeaux. Ce magnat du charbon a acheté durant des années les toiles de ses contemporains, Sisley, Pissarro, Toulouse-Lautrec, Monet… Celle de Renoir, « Rue Saint-Denis, fête du 30 juin 1878, », ouvre l’exposition. Son travail de collectionneur illustre les liens indispensables entre la culture et les détenteurs de fortunes. Depeaux a permis à de nombreux artistes de se loger pour satisfaire leur art.

Infos :
- Les horaires des illuminations de la cathédrale : www.rouentourisme.com/cathedrale-de-lumiere
- L’exposition François Depeaux, Collectionneur des impressionnistes, au MBA Rouen : www.mbarouen.fr

Mais aussi :
- Antonin Personnaz, Photographe impressionniste : La vie en couleurs. MBA Rouen. www.mbarouen.fr
Début de l’impressionnisme et émergence de la photographie sont intimement liés. On le comprend parfaitement dans cette exposition.
- Camille Moreau-Nélaton, Une femme céramiste au temps des impressionnistes
A l’époque où l’on voulait les femmes dans leurs intérieurs, cultivant les jolies choses en hobbies, Camille Moreau- Nélaton s’est imposée comme artiste au sens plein du terme.
Musée de la Céramique, 94, rue Jeanne d’Arc, 76000 ROUEN, 003302 35 07 31 74

Pour dormir et rayonner dans la région :
- Hotel Littéraire Flaubert : des chambres qui parlent de l’auteur du pays, chacune au nom de ses oeuvres, et des têtes de lit en mots : une poésie pour se poser.
www.hotelgustaveflaubert.com

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La Cathédrale de Monet Asisi vue depuis la tour
ETAPE 2 : LE HAVRE, l’allumée

Ville-proue, tel un navire en bord d’eau, elle est le lieu où Monet s’est exprimé. « Impression soleil levant » (le tableau qui donna son nom au mouvement) , fut peint ici. Le MuMa rend hommage à la lumière tant recherchée par l’artiste ; d’abord parce que ce musée des Beaux-Arts, sur le port, est une institution avec vue sur l’eau, du haut de ses larges baies vitrées. Ensuite parce qu’elle propose, dans le cadre de « Normandie Impressionniste », une exposition riche en couleurs. Nuits Electriques -le nom de l’exposition- est un panorama des villes qui s’illuminent : à la naissance de l’électricité, les lumières apparaissent dans la nuit. Elles modifient le rapport au temps : on travaille plus tard, puis on sort dans la nuit qui n’est plus noire. Ces Nuits électrique, c’est poétique autant que politique.

Infos :
- Nuits Electriques, jusqu’au 01/11, MuMa, Musée d’art moderne André Malraux, 2 boulevard Clemenceau, 76600 Le Havre, 0033 (0)2 35 19 62 62, www.muma-lehavre.fr

Mais aussi :
- Pour prolonger l’expérience, on s’installe au restaurant du MuMa, vue sur le port comprise. Un service efficace et une carte simple mais goûteuse en font une cantine de musée où il fait bon se restaurer, www.muma-lehavre.fr/fr/pratique/informations/restaurant-cafe, Ouvert de 10 à 18h, réservation conseillée.

ETAPE 3 : CAEN, l’engagée

Les impressionnistes, posant lumière et chevalets loin des villes, en observent les fracas. L’arrivée lente des changements, les chantiers qui s’éternisent, les ouvriers sous-payés, les luttes échafaudées..Autant de thèmes abordées par « Villes Ardentes ». On est d’abord dans les faubourgs, et on observe les changements de loin. Puis on entre dans les villes. Les peintres y décrivent la douleur des sorties d’usine, le travail solitaire des ouvrières indépendantes, qui repassent chez elles, payées au vêtement, uberisées avant l’heure. Ils disent aussi une société qui saura se lever, et crier, comme l’attestent les planches du journal engagé « L’assiette au beurre ». En sortant de l’exposition, on espère que leur cri sera entendu. Là et ici. Parce que ces mots muets du 19ème siècle résonnent terriblement avec notre aujourd’hui.

Infos :
- Villes ardentes, jusqu’au 22/11, www.mba.caen.fr

Mais aussi :
- On monte jusqu’à l’église Saint Nicolas, bien cachée mais terriblement belle, pour découvrir le travail de Félicie d’Estienne d’Orves. L’artiste y expose au milieu des murs virginaux, un plan d’eau qui bouge au son d’Éliane Radigue, pionnière de la musique expérimentale. Méditatif et un peu f(l)ou.
Jusqu’au 13/09, Église Saint Nicolas, Caen, entrée libre.

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