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Quand le virus nous renvoie à nous-mêmes

8 juillet 2021
par  Freddy Gillain
( Presse écrite , Le virus des héros comme des gens ordinaires )

Il avait habitué ses lecteurs à des écrits plus divertissants. François-Xavier Heynen, enseignant mais aussi philosophe, dans son livre voyage en confinitude plonge le lecteur dans les entrailles d’une pandémie dont on voit difficilement la fin. Un ensemble de nouvelles qui chacune nous interpelle.

Après avoir été sidéré par la crise sanitaire, François-Xavier Heynen, auteur d’une vingtaine de romans, a signé une longue nouvelle et un essai philosophique durant la pandémie. Les propositions de manuscrits ont explosé auprès des éditeurs.

La pandémie et les changements provoqués dans la vie quotidienne ont poussé beaucoup de personnes à mener à bien des projets d’écriture. Certains y pensaient depuis longtemps et ont enfin trouvé du temps pour se livrer à la rédaction d’un ouvrage. D’autres ont découvert cette envie en eux. Le résultat est flagrant : les éditeurs sont à présent submergés par les manuscrits de nouveaux auteurs.

Nous avons rencontré François-Xavier Heynen qui écrit depuis plus de 35 ans et qui a publié plusieurs ouvrages. Philosophe de formation, il aurait pu se sentir armé correctement pour relativiser les événements liés au Covid. Mais en réalité, ce ne fut pas du tout le cas.

Durant de longues semaines, il est consterné par la sidération. La tension psychologique est trop forte et sa vie se réduit à une longue attente des chiffres de la pandémie, dans l’espoir de les voir se réduire.

J’étais submergé par l’émotion et je ne parvenais plus à écrire. Au niveau de la philosophie, le constat était le même. Alors que la situation se prêtait au questionnement, la seule mobilisation légitime de l’intelligence me semblait être celle du monde médical.

Sciences et philosophie

François-Xavier Heynen a décroché son doctorat dans une branche particulière de la philosophie, celle des sciences. Dans sa thèse consacrée à Herbert Spencer, souvent taxé de socio-darwiniste, il a étudié les rapports entre les sciences et la société. Pourtant il reste a quia : J’étais fasciné par l’idée que le rien s’invitait à la table du monde. Nous étions face à l’inconnue et pourtant une multitude d’experts se levaient pour en parler, c’est très surprenant.

La possibilité même d’encore écrire s’est évanoui l’espace de quelques semaines. Le ton n’était plus à la comédie du Bon conseil d’amis, un roman qui relate les vicissitudes d’un monde politique communal près de chez nous.

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© Freddy Gillain

Pourtant, après plusieurs semaines dans ce désert créatif balayé par les vents dramatiques venus des hôpitaux, il finit par trouver une source d’inspiration sortie de la roche. Une nuit, j’ai ressenti le besoin d’écrire au départ d’une idée qui me semble banale. J’ai ressenti la sensation d’avoir fermé la porte sur le monde et de m’être installé derrière elle. Enfermé, avec sa finitude. Et je me suis demandé quel voyage il était encore possible d’entreprendre en étant ainsi confiné avec le rien, avec son vide.

C’était le début d’un voyage intérieur, écrit en mode automatique et livré dans un premier temps sous forme d’épisodes sur son blog. Les commentaires reçus ont encouragé l’auteur mais surtout il va se laisser emporter par sa propre imagination : cette histoire s’est imposée à moi, j’avais l’impression qu’elle me vidait de moi-même et que j’avais un besoin viscéral d’exprimer de la sorte ce que je ne parvenais pas à exprimer autrement.

Cartes blanches et essai philosophique

Pourtant, simultanément, François-Xavier Heynen rédige plusieurs cartes blanches qui sont publiées dans la presse nationale.

Le périple entraîne le lecteur sur la Mer de l’Inconnue où vivent des personnes qui s’habituent à l’ignorance, s’en accommodent ou se livrent au dogmatisme pour y échapper. On pourra y reconnaître religieux, scientifiques et hommes de média. Le voyage se termine lorsque la première vague s’estompe enfin. L’accalmie de l’été permet de mettre en place le processus qui conduira à la publication de l’ouvrage, sous la forme d’un recueil de nouvelles philosophiques. Le Voyage en confinitude est un rêve éveillé nourri par la philosophie et par la science. Mais l’écrivain n’est pas spécialement satisfait : J’avais pu utiliser ma plume pour m’extirper du traumatisme mais je n’étais pas satisfait de moi. En effet, je n’avais pas encore pu utiliser mes connaissances de philosophie pour dresser une grille d’analyse des événements. Or, il me semblait évident que la gestion de la crise, au niveau symbolique, souffrait de graves manquements. Par exemple, il est inadmissible de qualifier une personne décédée par le terme unité ou un malade par celui de cas.

Il fallait donc tout reprendre à zéro et revenir au début de la pandémie en l’examinant sous un angle nouveau C’est ici que l’expérience professionnelle de communicateur public de François-Xavier Heynen va être mobilisée. Dans un essai qui devrait être publié prochainement, il s’est donc orienté vers une approche qui intègre la philosophie et la communication. A présent les activités traditionnelles, comme les ateliers philo ou les foires du livre vont pouvoir reprendre et l’auteur a tourné son attention vers la rédaction d’une généalogie romancée.

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